dimanche 24 avril 2016

Distance



Je crois qu'c'est la nuit

Mes larmes cachent le jour

Je n'vois que la pluie

J'ai dû laisser passer mon tour

Je ne comprends plus

Je n'ai plus de repères

Au fond d'ma propre rue

Je sais plus je me perds

Vraiment je sais plus

Un fantôme est en moi

J'ai perdu la vue

J'ai dû cramer ma voix

Je ne vois plus rien

J'ai perdu mon passé

Je suis comme un chien

Aboyant sur le pavé

Je ne suis plus rien

Juste une épave à brader...

Marrant comme on trouve toujours chez Hubert un titre ou un texte qui correspond peu ou prou à l'ambiance du moment, enfin marrant, j'me comprends...je sens que je vais (encore) me faire des amies sur ce coup là.

Winnie l'ourson au pays des Bisounours, surfant sur les vagues à l'âme de l'écume bouillonante qu'on trouve à la sortie des collecteurs d'égouts, charriant leur lot de pestilences aux remugles d'outre-tombe, putréfactions des chairs et des esprits, la seule étoile que j'aurais dù vénérer étant celle de l'Ajax (WC)...on n'est jamais assez prévoyante, ça m'apprendra. Ou plutôt non, ça m'a appris, ça m'a même tellement bien appris, qu'à la prochaine guerre-crise-épidémie-nosographie-dysphorie (biffer les mentions incongrues), la polythérapeute ne répondra plus !

Pourtant je m'étais prévenue; mais j'ai une propension naturelle à ne pas écouter ce que je me dis, quarante ans à espérer et à vivre de rêves, forcément on prend des mauvaises habitudes. J'en avais rêvé ? La Vie l'a défait. Pour ça on peut lui faire confiance. Et si ça ne suffit pas, on peut toujours en rajouter, comme lorsqu'on blâme la fille en jupe qui vient de se faire violer ou qu'on sermone la petite grand-mère qui a retiré sa maigre pension en une seule fois et qui vient de se faire arracher son sac.C'est curieux que, dans ce monde de cons où l'inversion des valeurs est monnaie courante, où l'on culpabilise les victimes en dédouanant les coupables, les "braves gens" aient autant de mal avec les personnes dans mon genre.

Oh, j'ai bien une vague idée du pourquoi du comment de la chose, enfin quand je dis vague, je sais très bien que ce que la plupart d'entre eux me reprochent ce n'est pas tant le fait d'être trans, finalement, mais plutôt le fait d'être une vieille trans, sans parler du physique qui l'accompagne. On pardonne tout aux jolies femmes, comme on dit, alors que mes soeurs transsexuelles se rassurent, c'est exactement pareil pour nous, avec la seule différence, c'est que lorsqu'on n'est pas moulée comme les modèles des magazines, on doit également subir la circonstance aggravante de notre "contre-nature" biologique. 20 ans et un physique de lolita, je parie que j'aurais beaucoup moins de problèmes au boulot ou ailleurs, parce que la tolérance, et bien qu'il n'y ait plus de maisons pour ça, elle reste tout de même à géométrie plus que variable chez la majorité des gens, trans comprises, c'est ça qui est le pire.

Parce qu'il faut savoir une chose, c'est que dans ce monde de cons, et même de sales cons pour certains, certaines trans ne dérogent pas à la règle d'un certain "mimétisme", et c'est d'autant plus dommage que "l'esprit communautaire" en prend un sacré coup dans la tronche, sans parler d'autres dommages aux conséquences parfois funestes.

Prenons par exemple le cas de toutes celles qui sévissent sur le net, à travers certains forums ou autres réseaux sociaux, qui servent parfois de repaires à de véritables asociaux. Ainsi telles "Grandes Prêtresses" auto-proclamées de la confrérie du Grand Ordre du Ruban Violet (à l'instar des poulets de Bresse ou de la Rosette de Lyon, sauf qu'elles devraient plutôt avoir le label d'Appellation d'Origine Incontrôlée et Incontrôlable) qui dispensent leurs bons conseils, voire leur cathéchisme pour les plus illuminées, ont-elles seulement conscience de ce que leurs certitudes, assènées comme autant de vérités indiscutables, peuvent engendrer quelquefois ?

Tour à tour psys, endocrynologues, médecins, chirurgiens tant qu'on y est, elles ont réponse à tout ce qu'un parcours doit comporter et donnent LA recette d'une transition réussie (et pour les ongles incarnés elles proposent quoi ?). En voyant ça, moi je dis que le numérus clausus est un véritable scandale, alors qu'on manque de médecins compétents (en un seul mot). Pour avoir écouté les sirènes de ces spécialistes, pour ma part j'ai perdu 8 mois de THS en refusant de prendre de l'Androcur à cause de ses effets indésirables (fabriqué par le laboratoire Bayer en plus, le même qui à une autre époque élaborait le gaz moutarde, si c'est pas une preuve ça...). Et puis un jour, à force de me cogner la tête contre les murs pour ne pas voir d'évolution notable, j'ai eu besoin d'un cachet d'acide acétylsallicil...acétilsalycili...ah merde, d'aspirine quoi, et c'est en lisant les effets secondaires indésirables de ce médicament anodin en apparence que je me suis mise à relativiser, et j'ai aussitôt appelé mon endo pour lui demander de changer mon traitement, un peu penaude.

On me répondra sans doute que les médecins (les vrais) n'y connaissent rien, comme ça m'a déjà été dit à la faculté de facebook, et le récent scandale des prothèses PIP est une preuve de plus, mais j'ai la naïveté de m'en remettre à leurs diagnostics et leurs actes (et puis si j'avais dû fabriquer mes propres prothèses mammaires, j'en serais sûrement restée aux sacs de riz ou de lentilles...pas mal, mais si on danse, ou à moins de toujours avoir une paire de maracas à portée de mains).

Mais bon, tout bien considéré, ces filles adoptives d'Hypocrate ne sont pas les pires à oeuvrer sur le ouaibe, car pour certaines elles sont en quelque sorte investies d'une mission divine...elle ont juste oublié que la transsexualité est une "religion polythéiste" qui comporte autant de divinités qu'il y a de fidèles, le tout est de le savoir, même si pour les débutantes en quête d'informations il n'est pas évident de séparer le bon grain de l'ivraie (qui dit vrai, qui a un grain ? )

Non, les pires, ce sont ces arachnides qui se servent de la toile du net pour tisser la leur, ces poulpes aux multiples tentacules terminés par des claviers et qui passent leur temps sur tel ou tel forum à traquer le moindre animalcule que leur nuage d'encre virtuelle n'aura pas encore aveuglé, ces initiées, gardiennes de leur propre sérail ou du temple de leur suffisance, qui distribuent des bons ou mauvais points de transsexualisme, tels des petits dictateurs de républiques bananières s'arrogeant le droit de vie ou de mort sur leurs féaux sujets.

Ah mais attention, excusez du peu, ce ne sont pas de vulgaires trans en cours de parcours ou encore en questionnement (pouah quelle horreur), ce sont de vraies femmes elles, opérées pour la plupart depuis belle lurette, alors elles "savent" forcément, et c'est vrai que lorsqu'on est une femme et qu'on passe ses jours et ses nuits sur des forums pour trans, à titiller les gens pour des conneries, l'évidence devrait sauter aux yeux, suis-je conne...

Combien j'ai pu en croiser des comme ça (virtuellement heureusement), qui dès qu'on ose émettre un avis différent, qu'on parle de son propre parcours, qu'on a une autre vision du monde, ou simplement qu'on n'est pas conforme au "beau modèle" (il y avait un barbu qu'on appelait comme ça autrefois, un type qui a révolutionné la mode féminine...), on est aussitôt considérée moins qu'une fiente de pigeon qui aurait terminé sa course dans la crème dessert qu'on s'apprêtait à déguster.

Combien j'ai pu en subir de ces donneuses de leçons de féminité qui voulaient m'en remontrer au moindre faux pas de ma part, que ça en devenait systématique, manière de se rassurer sans doute ? La méthode Coué a encore de beaux jours devant elle on dirait... Un physique plus joli que le mien ? Pas difficile. Un maquillage plus élaboré ? Jamais été douée en peinture. Des postures savamment étudiées et des tenues sexys ? Chez moi c'est dans l'intimité que ça se passe, mais chacune ses goûts. Et après, qu'est-ce que ça prouve ? Qu'on peut très bien avoir un physique de Real Doll mais la délicatesse et la grâce d'une Jackie Sardou, et dès qu'on l'ouvre ça ne trompe personne (et pourtant je suis parisienne d'origine). Parce qu'entre celles qui, par leurs écrits, laissent s'exprimer leur "féminité" de salle de corps de garde, et les autres qui transpirent la testo par leur agressivité crasse, à croire qu'un excès de tucking est à l'origine d'un oubli de la part de leur chirurgien, je pense qu'il faudrait qu'elles revoient leurs fondamentaux, ou mieux, qu'elles se consacrent exclusivement à leurs vies de (vraies) femmes.

Ca permettra peut-être aux autres, celles qui éprouvent de la compassion et de l'empathie pour leurs soeurs d'infortune, et qui ne veulent pas jouer à celle qui pissera le plus loin, de retrouver une communauté soudée, basée sur le postulat que toute trans dans le monde devrait être avant tout la soeur de l'autre, quelles que soient ses origines ethnico-socio-professionnelles ou la couleur de sa petite culotte. Tendresse, douceur, affection, compassion, empathie, fragilité...toutes ces choses en fait qui caractérisent celles qui n'ont pas oublié que la Femme est l'avenir de l'Homme.

En attendant, moi je vais prendre de la distance avec tout ça, histoire de préserver les femmes et les trans qui constituent la petite communauté à laquelle j'appartiens et avec laquelle je partage peu ou prou les mêmes valeurs, rien à prouver et rien à vendre...

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