dimanche 24 avril 2016

Exercice de simple provocation avec 33 fois le mot "coupable"

(33, comme l'âge du Christ à sa mort, mais je ne brigue pas la place de prophête)

Je suis coupable aux yeux de certains d'être une personne transsexuelle, c'est à dire une personne née dans un corps qui ne lui correspondait pas.

Je suis coupable de présenter un caryotype qui ne rentre pas dans la norme, coupable donc d'être atteinte du syndrôme de Klinefelter, coupable d'avoir une formule chromosomique qui s'écrit 2N=47 au lieu de 2N=46, coupable au même titre qu'une personne atteinte de trisomie 21 en quelque sorte, pas tout à fait XY et pas tout à fait XX, à priori coupable d'être classée parmis les XXY.

Je suis sans doute coupable des décisions politiques qui ont conduit le transsexualisme a être déclassé en tant que pathologie mentale depuis février 2010, tout comme j'aurais été coupable de ces mêmes décisions concernant l'homosexualité il y a 50 ans, ou dans un tout autre registre, coupable de l'obtention du droit de vote par les femmes il y a 67 ans ou encore de l'émancipation de la population noire dans le monde il y a 218 ans ? Allez savoir....la société évolue chaque jour, et ce qui paraissait intolérable hier sera demain communément admis.

En attendant, je suis coupable de bénéficier du régime de l'ALD 31, ce qui signifie en langage clair être atteinte d'une Affection de Longue Durée reconnue par la Sécu, juste parce que des médecins en ont décidé ainsi après que je sois passée entre leurs mains...à moins que les médecins de la Sécu soient "pro-transsexuelles" par nature ?

Je suis aussi coupable d'avoir vécu toutes ces années cachée au fond de mon placard, par peur d'avoir eu à affronter ma mort sociale annoncée, coupable ainsi d'avoir préféré la "facilité" d'une vie que la bonne société m'obligeait à vivre, mais qui ne faisait que renforcer mon mal-être, à l'appel du trottoir qui me tendait ses caniveaux, coupable d'avoir choisi de travailler pour la maison "Dura lex, sed lex" au lieu de la maison Durex.

Coupable aussi de ne pas avoir encore le physique en adéquation avec ce que je suis à l'intérieur, coupable d'être trop pressée dans ma démarche, mais coupable d'avoir trop attendu à la fois, coupable de ne pas être et de ne pas avoir été, coupable des ravages causés à la puberté par la testostérone qui a laissé ses marques indélébiles, comme autant de plaies non cicatrisées, coupable de refuser l'image que me renvoient les miroirs car elle ne m'a jamais correspondue.

Accessoirement, je dois donc être aussi coupable de vouloir réparer ce que la Nature a (légèrement) foiré à la base, coupable de modifier l'ordre naturel des choses, au même titre que tous ceux qui n'acceptent pas cet ordre "naturel" quand ils prétendent combattre les maladies génétiques, les malformations de naissance, les T.O.C., j'en oublie...

Allez hop, coupable en vrac d'être une personne perverse, uniquement animée par un fantasme d'ordre sexuel, quand on sait que rien que le traitement hormonal inhibe totalement la libido et que popaul est aux abonnés absents, faut vraiment en tenir une couche. Coupable donc d'être assez conne pour avoir des "fantasmes sexuels asexués" de par le fait, il fallait oser. Vous ne trouvez pas qu'il y a là comme une certaine incohérence ?

Mais comme ça ne me suffit pas, je vais aussi me rendre coupable d'aller me faire charcuter le visage, pour le rendre un peu plus féminin et parce que j'en ai besoin hélas, car cette perspective de nouvelles souffrances, physiques celles-là, ne m'enchante pas plus que ça, mais que j'en ai un peu marre de passer pour un animal de foire. Mais rassurez-vous, toutes ces chirurgies ne seront pas supportées par la collectivité, car n'entrant pas dans le cadre des remboursements liés à l'ALD 31, c'est uniquement avec mes propres deniers qu'elles seront financées, comme toutes ces femmes ou ces hommes qui se font refaire telle ou telle partie, juste parce c'est vital à leurs yeux, mais eux au moins ne sont pas désignés coupables pour ça.

Et je ne parle pas de l'opération finale de réassignation sexuelle, coupable de risquer ma vie pendant six à huit heures sur le billard pour une intervention très lourde et qui comporte des risques certains, là je pousse la perversion à son paroxysme. Même les adeptes des jeux BDSM ne vont pas jusque là, c'est dire à quel point je suis coupable.

Pourtant ce ne sont pas les seules choses qui font de moi, encore et toujours, la coupable idéale, non. Il y en a tant d'autres dont j'ignore encore sûrement l'existence, mais tous les prétextes sont bons.

Tiens, ma famille, les proches, les anciens "amis", tous ces gens pour lesquels l'annonce de ma transition a été perçue comme une trahison, coupable d'avoir osé leur révéler ma souffrance, de les rendre en quelque sorte "complices" du monstre par le simple fait de m'avoir côtoyée un temps. Pourtant moi je ne les juge pas sur ce qu'ils sont, sur leurs préférences sexuelles, avec qui ils couchent ou avec qui ils vivent, tout comme je ne juge pas leurs proches sur les mêmes critères. Qui sait, coupable aussi de les "pervertir", comme je dois sans doute "pervertir" ceux qui ne m'ont pas fermé leur porte et qui ne voient en moi qu'une personne et pas autre chose.

Il y a ma soeur et aussi ses enfants, dont l'esprit n'est pas encore formaté par la bonne société, qui ont assimilé que leur tonton Olivier allait devenir plus tard leur tata Carolyne et pour qui ça ne pose aucun problème, car les enfants ne forgent pas leur jugement sur les dogmes imposés par la multitude, ils se contentent d'aimer, sans calcul, sans détours. Ce n'est pas pour rien qu'on a coutume de dire qu'ils viennent au monde innocents, même si ça ne dure pas ensuite. Tous coupables alors ?

Ma femme aussi, bien sûr, qui vit avec Carolyne depuis des années déjà, et qui est elle aussi "complice" de mon crime. Devra-t'elle être pendue avec les autres, toutes ces transsexuelles qui ont eu des enfants ou des compagnes de leur vie d'avant et qui ont su garder l'amour qu'ils leur portent, sans ambiguïté, sans "déviance" de quelque sorte que ce soit ?

Et pour conclure, je me demande au fond si je ne suis pas tout simplement coupable pour certains de heurter leurs valeurs. J'avoue, l'intolérance, le rejet, la haine et l'exclusion ne font pas partie de mes valeurs, comme ces "valeurs de la République" qu'en ces temps de campagne électorale on nous a présentées comme seules références depuis des mois.

Alors j'ai finalement décidé de plaider non coupable pour tout ce que je suis, en comptant sur la présomption d'innocence et sur une once d'humanité...on verra bien...

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